Dès mon premier séjour en Inde, j’eus l’impression que les étoiles s’alignaient pour m’aider à concrétiser mes rêves. Je fis la connaissance de Prabhu, un jeune homme de Pondichéry, passionné par les reptiles et collectionneur de vielles motos anglaises.
Il m’invita à participer à une randonnée, avec trois autres de ses amis, qu’il organisait dans les Ghats occidentaux du Sud, la plus riche écorégion protégée de l’Inde, couverte de forêts sempervirentes. J’aime passionnément les forêts, ces lieux mythiques où je me sens le plus en communion avec la nature. Durant trois jours nous sillonnions ces chemins forestiers, tous nos sens en éveil, attentifs à toutes les sollicitations de ce majestueux environnement.
Tôt le matin, nous pouvions observer à quelques dizaines de mètres, une famille d’éléphants sauvages, ou encore une espèce de gros zébus à la recherche de nourriture. Un groupe de macaques craintifs au regard aigu, suivait notre cheminement. Au loin, à portée de vue, un tigre sembla bondir dans les sous-bois par-dessus un rocher, une apparition trop fugace à notre goût.
Je m’extasiais devant une petite pousse qui allait devenir dans quelques décennies un magnifique arbre d’une vingtaine de mètres comme ses congénères endémiques de la région. Cet écosystème tropical me comblait d’un bonheur indicible avec sa flore épiphyte particulièrement riche en orchidées sauvages.
Le soir nous faisions une halte dans les villages environnants où la gentillesse et l’authenticité des villageois contribuaient à me maintenir dans un sentiment d’euphorie.
Le jour suivant, nous pénétrâmes la forêt un peu avant l’aube, la faune et la flore se réveillaient.
Ceux d’entre vous qui avez déjà fait l’expérience de se réveiller en pleine forêt ont probablement ressenti la même exaltation provoquée par le foisonnement de vie de ces moments-là.
Au détour d’un chemin, comme sorti de nulle part, mais en réalité surgissant des feuillages, un Sadhu* nous apparut. Passé un léger sentiment d’effroi, de part et d’autre, nous nous saluâmes. Il nous expliqua qu’il passait la nuit dans la forêt pour prélever certaines feuilles, graines ou écorces à des moments précis et nous montra sa collecte. Puis il nous montra un petit arbuste, se baissa et cassa un bout de racine apparent, un liquide rouge sang s’écoula. Selon lui, cette racine servait à préparer un remède pour purifier le sang et était aussi efficace contre les règles douloureuses. Il nous parla des vertus de nombreuses autres plantes qu’il trouvait dans cette partie de la forêt, qu’il considérait comme un réservoir sacré de plantes médicinales. J’étais impressionné par son savoir, j’avais soif de cette connaissance-là qui allait quelques années plus tard me permettre de créer une gamme innovante de soins bien-être.
*Sadhu, prononcez « Sadou », personne ayant fait vœu de pauvreté renonçant à toute vie sociale et familiale pour se consacrer à atteindre la fusion avec la conscience cosmique par la méditation, le yoga ou la récitation de mantras.